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17/05/2010

Cornelius tranquille au pied de l'arbre

C'est de dessous son arbre que Cornelius les apercevait. Ils arrivaient en cortège sombre, le pas pénible, les mines tirées vers le sol, ne regardant rien. C'est à lui qu'ils venaient toujours. Cornélius arraché à ses songes par cette vision se dressait alors sur ses jambes de brindille que dissimulaient ses pantalons flottants de toile usée. Ses pieds nus adhéraient au sol caillouteux et froid. Il réajustait son grand chapeau de feutre noir, et passait ses mains aux doigts immenses sur son visage comme pour en détendre un peu la peau. Sans un mot pour ses visiteurs qui ne semblaient même pas l'apercevoir, il s'emparait de la pelle pesante qu'il laissait toujours contre son arbre et se mettait à la tâche. Ectoplasme laborieux qu'on observait entasser des mottes de terre et s'enfoncer lentement. Le regard qu'ils lui portaient était dur, Cornélius voyait parfois passer dans ces yeux mille sentiments, et son esprit vagabondait sur les pensées et impressions qui lui venaient alors. Il souriait. Et ils ne connaissaient même pas son nom...

Après, Cornélius revenait s'assoir au pied de l'arbre pour attendre. L'arbre est moins noueux que moi, pensait-il. L'atmosphère se saisissait de lui, les songes étendaient de nouveau leur empire. En Cornelius ils étaient chez eux. Les ombres bougaient à côté. Des voix, des pleurs, des gestes beaux dessinés dans l'air. Et quand le silence revenait, Cornelius se redressait aussitôt, demandait humblement à ses rêves de patienter un peu. Puis il se ressaisissait de son outil, enchainait les gestes pour remettre à sa place ce qui avait été momentanément déplacé. Le silence.

Ils repartaient descendant le sentier. Le vent semblait les emporter. Ils repartaient sans un regard et de loin on apercevait la masse sombre qui glissait peu à peu. Puis plus rien. Avant, on lui avait jeté un ou deux légumes et un quignon de pain. Et sur le visage de Cornélius on pouvait presque lire une reconnaissance infinie. Il se rasseyait au pied de son arbre, souriait, souriait. Les songes le happaient dans un nouveau semblant d'éternité. Il était le roi qui n'abdiquerait jamais. Le plus heureux des hommes. Un jour les songes merveilleux jamais plus ne cesseraient. Et lui, personne ne l'enterrerait, il pouvait être tranquille.

12:20 Écrit par Neothene dans Méditations | Lien permanent | Commentaires (0)

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