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21/08/2012

Maroc 5 mars - Fès (7ème journée)

Lever à 9h00. Nous projetons de nous occuper aujourd'hui de l'achat des cadeaux. Auparavant, il me faut me rendre chez le barbier.Vers 11h00, je m'installe sur le fauteuil. Le monsieur moustachu se saisit de son rasoir et se lance avec grande concentration dans son ouvrage. Un fin rideau vert cache la scène aux passants. Autour de moi, jeu de miroirs. I. est installée sur l'autre fauteuil et attend patiemment tout en prenant quelques photos de la scène après avoir, bien entendu, demandé au monsieur s'il n'y voyait pas d'inconvénient. Au départ, le fait de rester inerte à attendre que quelqu'un fasse les choses à ma place me procure un sentiment d'étrangeté. Je dois préciser que je n'ai jamais mis les pieds chez un coiffeur. Pourtant ici, la chose me paraît plus envisageable, plus naturelle et relevant des petits rites de la vie quotidienne. Vient le tour de ma barbe. Arsenal de tondeuses, de rasoirs.Taille parfaite. Pendant ce temps, la tête penchée en arrière, j'ai tout loisir de jeter un oeil sur le diplôme suspendu au dessus de la glace qui me fait face. Il comporte la photo du barbier. Moustache plus fournie, cheveux plus longs et foncés. La date : il y a quinze ans.

Une fois sortis, nous commençons nos achats. Périple au travers de différents quartiers de la médina. De temps à autres, nous saluons une tête connue : le petit gars du restaurant de tajines ; le petit gars à casquette qui zone toujours les mains enfoncées dans les poches. Une fois, une bonne partie de la mission achats menée à bien, nous repassons par la chambre pour y déposer nos acquisitions et repartons aussi sec en quête du restaurant de cuisine familiale repéré dans notre guide.

A ma grande surprise, car dans la médina le chemin ne me semblait pas dénué de difficultés, nous trouvons relativement facilement, après avoir parcouru des ruelles enfumées. C'est justement dans l'une d'elle que se trouve notre restaurant. Une énorme fumée noire s'échappe de l'entrée. A l'intérieur, des serveuses aux hijabs roses bien ajusté s'affairent tandis qu'un vieux homme au visage de touareg et au turban orange arpente les lieux attentif à l'évolution des repas de chaque tablée. Très amical et énergique, il nous pousse jusqu'aux cuisines où, à l'aide 'une cuillère en bois, il nous fait goûter quatre ou cinq plats différents tandis que deux dames qui nous saluent rapidement s'activent aux marmites. Il nous installe ensuite sur une petite table sur laquelle on nous dépose du pain et de petites entrées. Sur le mur blanc qui me fait face, en hauteur, j'aperçois deux photos encadrées. Sur chacune, le monsieur au turban orange une coupe dans les mains et entouré vraisemblablement de membres de sa famille tout sourire. Lui arbohre sur ces clichés un air plutôt rêveur et un peu mélancolique.

Les tajines qui nous sont servis sont délicieux. Le monsieur au turban vient régulièrement nous servir du thé. A la table à côté trois personnes s'installent. Ils discutent en anglais, mais l'un d'eux s'adresse amicalement au patron en français ; de toute évidence, c'est un habitué, et monsieur B., le monsieur à turban, lui apporte une théiére en argent qu'il examine et devant laquelle il semble s'émerveiller. Elle a probablement été extraite du bric-à-brac d'objets qui encombre la table derrière moi. Des pendules, des théiéres, des sujets en bronze, etc. Les trois personnes de la table à côté ont choisi des tajines de poissons, et trois grandes assiettes remplies en dôme leur sont servies. Mine authentiquement effrayée du plus malingre des trois.

Une fois notre festin terminé, monsieur B. nous apporte en supplément deux trois bricoles qu'il tient absolument à nous faire goûter, plus du thé, plus du pain... Je pense que nous allons probablement finir par exploser. Un festin pour une somme dérisoire. Nous remercions, échangeons avec monsieur B. quelques plaisanteries, puis nous sortons avant de nous perdre un peu dans la médina.

Les écoles coraniques que nous envisagions de visiter sont fermées, de même que l'Institut français du Batha. Nous décidons d'aller prendre le thé quelque part et nous mettons à chercher une adresse dans le guide.A côté de nous, la porte d'un restaurant s'ouvre soudain. Le type nous annonce que si nous voulions entrer le restaurant n'est pas encore ouvert. Nous lui répondons que nous avons déjà mangé, de toute façon. Aussi sec, il nous demande si nous avons apprécié notre repas. Notre réponse positive lui paraît manquer d'enthousiasme ; ça ne devait pas être bien terrible, et venez donc visiter mon magnifique restaurant dans lequel nous ne servirons que des choses fraiches et pas du surgelé. Vous comprenez ils servent tous ça du surgelé, et même dans les plus chers vous savez!

Bien que le propriétaire des lieux nous soit prodigieusement antipathique nous en profitons pour visiter la superbe demeure marocaine. A la suffisance et au mépris affiché pour les gens de sa profession, s'ajoute à ce personnage une allure à l'image du reste. Petit et très bedonnant, allure de niçois parvenu ; un étrange casque de cheveux teints en noir corbeau et très gonflés surpombe un visage d'une soixantaine d'années aux yeux globuleux.

Nous continuons notre périple dans la médina en médisant à plaisir sur le personnage. Nous cherchons une porte quelconque pour attraper un taxi et retourner aux mérinides prendre le thé. Un petit garçon portant une besace sur le point de craquer définitivement sous le poids des livres et cahiers nous salue et nous demande ce que nous cherchons. Il nous mène dans la direction et en chemin nous annonce pour info son tarif. Nous sourions de son culot et le plaisantons gentiment.

Nous finissons par trouver la sortie et nous installons sur un banc dans l'attente d'un taxi. Une femme d'une trentaine d'années s'installe à côté de nous pour profiter du soleil. En plus de ses lunettes de soleil, elle porte par dessus son hijab une visiaire de casquette. Genre de fantaisies vestimentaires insolite en France. Ici le hijab est quelque chose d'anodin, un accessoire presque comme les autres et n'a rien d'ostentatoire. La jeune femme est par ailleurs vêtue d'une grosse veste de cuir assez masculine et porte des jeans. En attendant le taxi, nous entamons la conversation avec elle. Elle nous dit connaître et aimer la France ; elle envisage d'y retourner prochainement. Nous parlons de la crise, des présidentielles (ah ! votre Sarkozy!), et épisodiquement nous plaisantons à propos des taxis qui passent tous plus bomdés les uns que les autres à tel point que nous désespérons d'en trouver jamais un pour nous emmener. Enfin nous finissons par embarquer tous les trois. Arrivée à destination, la jeune femme nous salue et nous souhaite une bonne soirée ; elle me fait vraiment penser à H. notre amie syrienne.

Aux Mérinides, nous prenons le thé tranquillement. Panorama toujours aussi avantageux. Belle lumière de fin d'après-midi.

Non loin de nous, un type assez classe accompagné d'une fille beaucoup plus jeune et d'apparence assez vulgaire. Sa maîtresse probablement. En contrebas, un homme d'une soixantaine d'année s'avance lentement vers une piscine accompagné de sa femme. Il fait deux longueurs et sort. Sa femme le sèche à l'aide d'une serviette et ils repartent d'où ils sont venus. Fin du cérémonial. A la table à côté, l'évasion hors de la routine conjugale. En contrebas, la routine conjugale sanctuarisée.

Après le thé, nous repartons à pieds en direction de la médina ce qui nous donne l'occasion d'une belle promenade. Petite brise. La température baisse progressivement. Beaucoup de personnnes remontent de la médina. La nuit qui tombe peu à peu...

Nous refaisons un tour sur la place de la veille avec tout son bric-à-brac d'objets et de chaussures. Nous repassons par le marché où je ne peux m'empêcher de donner une fois de plus quelques dirhams à un petit qui nous sollicite. I. me plaisante : "Le bienfaiteur de Fès !... Il est temps qu'on parte!". Remontons dans le bar-restaurant de la veille boire un milkshake et profiter de l'endroit. Installés sur la banquette nous regardons quelques photos prises durant la journée, et d'autres de notre fille. Non loin de nous quelques jeunes couples de marocains. Se font écouter du rock sur leur Iphone. En même temps s'élève l'appel à la prière.

Nous décidons de rentrer. En chemin, nous achetons une crêpe “mille trous” qui fera largement office de repas du soir compte tenu de ce que nous avons avalé au cours de cette journée. Pendant que nous nous livrons à la transaction un cireur de chaussures me propose ses services. J'accepte et à ma grande surprise il s'installe aussitôt à l'endroit où nous nous trouvons pour commencer son labeur. Je suis un peu géné par la situation. Des serveurs du restaurant à côté observent la scène et semblent la trouver fort amusante. I. ne peux s'empêcher de rire aussi. Un serveur nous fait comprendre au moyen de quelques signes que le cireur fait du bon boulot. “You have new shoes now!”. Lorsqu'il a terminé, je donne un peu plus au cireur que ce qu'il me réclame. Je ne peux m'empêcher d'éprouver un sentiment de honte. Voir cet homme à mes pieds s'activer sous les rires pour gagner une misère... nous repus, en vacances, en voyage. Je m'imagine à sa place avec mon regard de touriste. Mais que vaut ce regard biaisé? Il fait son métier et c'est tout.

Redescendons jusqu'à notre chambre. Après un coup de téléphone à notre fille, nous discutons de la journée du lendemain, la dernière, et de comment organiser notre départ.

 

00:11 Écrit par Neothene dans Où je vis | Lien permanent | Commentaires (0)

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