Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/11/2009

Certains s'en frottent les mains

"D'autres objections n'ont pas manqué à la doctrine de la damnation éternelle tout au long de l'histoire de la théologie dogmatique, et évidemment les réponses ne se sont pas fait attendre. Il a semblé à l'un que la peine éternelle était excessive, disproportionnée et que surtout elle contredisait la finalité thérapeutique de la peine - aujourd'hui, on parlerait de "réhabilitation". A cette objection raisonnable, Saint Thomas d'Aquin répond :

Ainsi, lorsqu'un bandit est pendu, ce n'est pas pour son propre amendement, mais à cause des autres afin qu'au moins la crainte du chatiment arrête leurs méfaits. [...] C'est donc de cette manière que les peines éternelles des réprouvés, infligées par Dieu, sont médicinales pour ceux qui s'abstiennent des péchés par la pensée de ces grands châtiments.

Que dire devant cela? Nous avons ici affaire de toute évidence à une conception instrumentale de la vie humaine : on peut pendre quelqu'un pour que cela serve d'avertissement à d'autres. Et cette logique, très éloignée de la logique évangélique qui ne construit jamais l'intérêt général aux dépends du bien de l'individu singulier, est attribuée à Dieu.

Mais il y a pire. La raison, logiquement insatisfaite, se demande pourquoi ces peines devraient durer jusqu'après le jugement universel, c'est-à-dire quand il n'y aura plus personne à qui elles pourraient servir d'avertissement et quand l'aventure de la liberté se sera achevée pour toujours. Etant donné qu'il n'y aura plus personne à mettre en garde, ne pourrait-on pas alors au moins mettre fin à cette série de pendaisons? Voici la réponse de Thomas d'Aquin :

Les châtiments des impies, qui dureront perpétuellement, ne seront pas tout à fait inutiles, car ils serviront à deux choses : d'abord à maintenir la justice divine, ce qui est en soi agréable à Dieu. [...] Secondement, ces peines sont utiles parce qu'elles procurent aux justes la satisfaction d'y contempler la manifestation de la justice de Dieu et de se rendre compte qu'ils ont échappés à ces souffrances.

Quelle douleur de voir l'immense intelligence de Thomas d'Aquin se plier ainsi à justifier l'injustifiable. Nous nous trouvons en présence d'une théologie qui non seulement conçoit un Dieu dominé par une colère jamais apaisée, mais qui imagine des bienheureux occupés à se frotter les mains, trop contents d'y avoir échappé, un peu comme des petits bourgeois qui regarderaient, ravis, ceux qui, contrairement à eux, n'ont pas obéi aux ordres : ces bienheureux qui ressemblent tellement aux "fayots" qui, à l'école, se mettent toujours au service des professeurs et qui, dans la vie, sont les dévoués serviteurs des puissants et n'ont pas la plus petite idée de ce qu'est la solidarité entre semblables, la fraternité."

 

De l'âme et de son destin - Vito Mancuso

23:35 Écrit par Neothene dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : religion, christianisme, dieu, salut, théologie, enfer

27/09/2009

Ici et maintenant...

"Je pense que la raison est la condition sine qua non pour que le discours sur Dieu puisse aujourd'hui subsister légitimement comme discours sur la vérité. Telle est, en effet, la réalité ultime qui est en jeu quand on parle de Dieu : la vérité. Les histoires lointaines dont la Bible nous parle, y compris celle de Jésus crucifié et  ressuscité, ne font sens que si elles conduisent l'âme à la vie ici et maintenant, à retrouver en elle la présence de Dieu ici et maintenant, dans cette "terrible boucherie" qu'est l 'histoire universelle. La conscience croyante devient libre et mature, et donc en mesure d'engendrer liberté et maturité à côté d'elle, quand elle dépasse ce que la théologie appelle traditionnellement fides quae creditur, autrement dit les contenus de la foi, et les lit comme de profonds enseignements sur la condition humaine qu'il faut actualiser et réinterprêter chaque jour, et non pas comme des comptes rendus historiques objectifs d'un lointain passé dont la destin inéluctable est de devenir toujours plus lointain et toujours plus passé.

[...] La vraie lumière, c'est la vérité, et si nous sommes ici, si le fait que nous soyons sur terre a un sens, c'est pour nous remettre à la vérité, pour la servir, l'accueillir en nous et lui permettre de purifier notre intériorité."

"Si la foi ne fait pas cela, si elle ne produit pas une sagesse pour l'âme en la libérant et en la comblant de joie, de vie heureuse, de regard serein sur elle-même et sur le monde, elle est vaine. Elle peut même être nocive. Mieux vaut un athée heureux et honnête qu'un croyant malheureux et malhonnête. L'objectif est la plénitude de l'humanité, dont la foi est seulement un instrument. Dieu, le principe de l'être, ne nous a pas créés pour que nous croyions, mais il nous a créés pour que nous soyons. Pour que nous soyons des hommes heureux et fiers de l'être, étant porteurs dans la monde de son énergie positive et ordonnée, pour engendrer à notre tour positivité et ordre sous la forme de la justice et de la fidélité. Si être croyant sert à devenir cela, cela vaut la peine de l'être ; sinon, mieux vaut se débarrasser de la foi et de tous ses pesants apparats. Mieux vaut être nu devant l'être et son mystère, plutôt que victime habillée d'ignorance, de superstition, de servilité."

 

De l'âme et de son destin - Vito Mancuso